Les jeux psychologiques façonnent nos relations bien plus qu’on ne le croit. Parmi eux, le triangle dramatique de Karpman est l’un des plus insidieux. Il agit souvent à notre insu, en nous enfermant dans trois rôles : la Victime, le Persécuteur et le Sauveur. Chacun pense agir pour le bien, dans l’intérêt de l’autre, mais au final, tout le monde en ressort blessé, frustré ou vidé.
Comprendre ce mécanisme est une première clé essentielle pour en sortir et construire des relations plus équilibrées.
Les dynamiques du triangle dramatique
Ce triangle repose sur un principe simple : à chaque sommet, un rôle. Mais dans la réalité, personne ne reste figé dans un seul. On glisse de l’un à l’autre, souvent sans s’en rendre compte.
Lorsque tu te sens impuissant, dépassé ou que tu attends une aide extérieure pour te sortir d’une situation, tu adoptes sans le savoir la posture de la Victime. Ce rôle peut sembler passif, mais il répond à une stratégie inconsciente : celle d’éveiller la compassion, d’attirer l’attention ou de fuir la responsabilité. Même lorsque des solutions se présentent, la Victime peut les rejeter, car accepter de changer reviendrait à renoncer à son identité de "celui qui subit".
Face à elle se dresse le Persécuteur. Il impose, critique, menace parfois, pensant agir avec autorité ou efficacité. Il ne voit pas toujours qu’il écrase l’autre au passage. Il ne cherche pas forcément à nuire, mais il cherche à contrôler — et ce besoin de contrôle crée de la tension, voire de la peur.
Et puis il y a le Sauveur, ce rôle si valorisé en apparence. Il vient aider, conseiller, intervenir. Mais bien souvent, il le fait sans qu’on lui ait rien demandé. Et derrière cette posture se cache parfois un besoin d’exister à travers les problèmes des autres. En "aidant", le Sauveur peut priver la personne en face de sa capacité à agir, entretenir sa dépendance… et finir par s’épuiser, ou par se sentir rejeté quand ses efforts ne sont pas reconnus.
Un cercle qui se referme
Ce qui rend le triangle de Karpman si toxique, c’est sa nature cyclique. Chacun pense bien faire, mais chacun y laisse une part de lui-même. La Victime se sent de plus en plus impuissante. Le Sauveur s’épuise. Le Persécuteur s’isole dans sa rigidité. Et surtout, ces rôles s’enchaînent et se répètent dans tous les domaines de la vie : en famille, au travail, en couple, avec des amis. Rien n’y échappe… tant que l’on ne met pas de lumière sur ce schéma.
Changer de posture pour en sortir
Pour se libérer de ce triangle, il faut d’abord en prendre conscience. Tant qu’il reste dans l’ombre, il nous dirige. Mais dès que l’on identifie le rôle que l’on joue – et celui qu’on invite l’autre à jouer – alors un autre choix devient possible.
La clé, ce n’est pas de fuir ou de rejeter l’autre, mais de changer sa propre posture. La Victime peut redevenir actrice de sa vie en reconnaissant ses ressources, en passant à l’action, plutôt qu’en attendant un sauvetage. Le Persécuteur peut apprendre à exprimer ses besoins sans blesser, à poser des limites sans dominer. Quant au Sauveur, il peut comprendre que la véritable aide consiste à faire confiance à la capacité de l’autre à se relever, sans prendre en charge ce qui ne lui appartient pas.
Ces changements ne nécessitent pas une révolution intérieure immédiate, mais plutôt une série d’ajustements subtils : oser dire ce que l’on ressent, poser des limites claires, prendre du recul émotionnel, et surtout, cultiver une relation à l’autre qui ne soit ni fusionnelle, ni sacrificielle.
Vers des relations plus matures et plus vraies
Sortir du triangle de Karpman, c’est s’offrir un espace de liberté. C’est apprendre à interagir sans se perdre, à être pleinement soi dans la relation, sans devoir dominer ni s’effacer.
Ce triangle n’est pas une fatalité. C’est un schéma que l’on peut déconstruire, pas à pas, en choisissant de communiquer avec authenticité, en accueillant l’autre sans entrer dans un rôle, et surtout, en se respectant profondément.
Car en fin de compte, le véritable changement ne commence jamais par l’autre. Il commence en soi.
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